A bord de l’expédition IODP 401, codirigée par Emmanuelle Ducassou, enseignante-chercheuse à l’UMR EPOC.

Mar 19, 2024 | Actualités, Agenda OASU

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La fin d’année 2023 a vu partir l’expédition IODP 401 (pour International Ocean Discovery Program), plus gros programme académique de forage océanique au monde depuis 1968. Chose rare, cette expédition avait pour co-cheffe une chercheuse française en la personne d’Emmanuelle Ducassou, enseignante-chercheuse à l’UMR EPOC.

        Cette expédition visait à collecter l’enregistrement en mer d’une des plus grosses crises environnementales qu’ait connu la Terre : la crise de salinité messinienne. Cet événement (-6 à -5.3 millions d’années avant notre ère environ), généré par une restriction progressive des connexions entre l’océan Atlantique et la Méditerranée, a provoqué une baisse importante du niveau marin en Méditerranée, entrainant son assèchement partiel, la précipitation d’évaporites (roches salines) et le retrait de 6 % de sel de l’océan global et créant un pont terrestre entre la péninsule ibérique et le continent africain (permettant notamment un échange de faune et de flore). Plus tard, le détroit s’est réouvert, provoquant la remise en eau soudaine de la Méditerranée et la transformant en ce que nous connaissons aujourd’hui.

         L’objectif principal de cette expédition était de se concentrer sur la récupération de données sédimentaires de part et d’autre du détroit de Gibraltar, lieu d’échange d’eau entre l’océan Atlantique et la mer Méditerranée. Cette crise a provoqué des modifications de l’écoulement sortant de la Méditerranée vers l’Atlantique voire son arrêt. Les fluctuations extrêmes de salinité de la Méditerranée ont impacté ce courant marin en modifiant sa densité lorsqu’il a pu se rétablir, entraînant in fine une modification du climat terrestre global avec une chute des températures moyennes des eaux océaniques de surface d’environ 5°C. Cet événement climatique pourrait être un élément important à l’origine de la formation de la glace arctique.

          Ainsi, ce détroit est particulièrement important car c’est un lieu clé pour mieux comprendre la crise de salinité messinienne. En ambitionnant d’obtenir des enregistrements complets de la crise, l’expédition IODP 401 avait pour but d’éclaircir la multitude de scénarios expliquant cet événement et ses conséquences.

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          Conclue mi-février, cette expédition s’est parfaitement déroulée, E. Ducassou soulignant même, dans des communications transmises depuis le navire, la clémence de la météo, ennemi important de ce genre d’expédition. Dans ces mêmes communications (voir en fin de page), la chercheuse s’est également estimée très satisfaite du taux de récupération de l’expédition, bien supérieur à leurs attentes.

           Les échantillons vont désormais être analysés par les scientifiques, notamment à l’UMR EPOC où ils devraient arriver d’ici quelques mois. Par ailleurs, cette expédition va être complétée par deux forages ICDP (International Continental Drilling Program qui font partie, au même titre que IODP du projet IMMAGE (Investigating the Miocene Mediterranean-Atlantic Gateway Exchange)) qui auront pour objectif de récupérer des données sédimentaires des deux détroits fossiles ayant existé entre 6 et 5 millions d’années, actuellement situés à terre : l’un dans le bassin du Guadalquivir (chaine bétique) en Espagne et l’autre dans le bassin du Rharb (chaine rifaine) au Maroc. Ces forages qui se feront dans les prochaines années, apporteront des données complémentaires aux données acquises par l’expédition IODP 401.

             Lors de l’expédition, Emmanuelle Ducassou a eu l’occasion de parrainer une classe d’une école primaire dans le cadre de la labellisation « Science avec et pour la société ». A travers des échanges réguliers avec les élèves et leur enseignante, la chercheuse a pu leur introduire les enjeux d’une telle expédition et répondre et leurs nombreuses questions. Cerise sur le gâteau, une visite du navire a même pu être organisée en visio-conférence.                     

            Cette expédition a été menée à bord du JOIDES Resolution, un navire long de 143 m et pouvant forer jusqu’à 8200 m de profondeur, et à plus d’1 km de profondeur sous les fonds marins. Une centaine de personnes ont embarqué, dont 28 scientifiques travaillant dans 5 laboratoires et couvrant un vaste champ disciplinaire (sédimentologie, micro-paléontologie, paléomagnétisme, géochimie et géophysique). Il s’agit d’une des dernières expéditions menées par ce navire, qui, après celle-ci, ne repartira en mer que deux fois avant de tirer sa révérence pour cause budgétaire.

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Credit: Erick Bravo, IODP JRSO

Vous pourrez retrouver ci-dessous une communication envoyée lors de la 6eme semaine d’expédition dans laquelle Emmanuelle Ducassou fait le point sur la première moitié de l’expédition.

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